Easy condamne les violeurs

Toujours dans ma recherche éternelle de bons ouvrages pour jeunes adultes, j’ai lu récemment le roman Easy, de Tammara Webber. Je l’ai trouvé tellement intéressant que j’ai décidé de lui consacrer un petit article. Je suis comme ça, moi. Attention, il risque d’y avoir quelques spoilers, même si je vais tâcher de ne pas dévoiler des trucs importants de l’intrigue. Je préviens aussi que ce livre parle de viol, donc la lecture de cet article peut faire remonter des souvenirs traumatisants. 

            L’histoire

easy-de-tammara-webberEasy raconte l’histoire de Jacqueline, une jeune étudiante américaine. Après avoir choisi la même fac que son petit ami avec qui elle est depuis trois ans, ce dernier la quitte trois semaines après la rentrée. Jacqueline vit très mal cette rupture et n’arrive plus à aller en cours d’économie puisque c’est la matière qu’elle avait en commun avec son petit ami (qui s’appelle… Kennedy. Adieu). Sa meilleure amie, Erin, la traine un jour à une soirée organisée par la confrérie de son ex, et elle y va de mauvaise grâce. C’est en rentrant de cette soirée qu’elle se fait agresser par un ami de Kennedy, qui tente de la violer. Elle est sauvée in extrémis par un étudiant qu’elle ne connait pas, Lucas, et qui file une dérouillée à son agresseur.

Bon, autant vous dire qu’à ce stade de l’histoire, j’étais comme ça: « Meh… »

Mais j’ai changé d’avis, et je vais vous dire pourquoi, en six points. Je n’aborderai dans cet article que le traitement du viol dans le livre. Il ne s’agit donc pas d’une critique littéraire de l’histoire dans son ensemble.

 

  1. La réaction de Lucas 

Après avoir sauvé Jacqueline de son agression, Lucas insiste pour la raccompagner chez elle. Sur le pas de la porte, il lui dit : « Tu n’as rien à te reprocher, ce n’est pas de ta faute. » Cette phrase aide beaucoup Jacqueline à se rassurer à chaque fois qu’elle culpabilise de ce qui s’est passé.

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Pourquoi c’est bien : On culpabilise beaucoup les victimes de viol dans notre société. Cette scène rappelle que ce n’est jamais la faute de la victime. Le coupable est TOUJOURS l’agresseur.

 

      2. La réaction d’Erin

Jacqueline décide de ne pas porter plainte et ne parle à personne de ce qui lui est arrivé. Elle se convainc en effet que son agresseur, Buck (comme l’hyppogriffe) s’en est pris à elle par vengeance envers Kennedy. Malheureusement pour elle, il récidive en tentant de la violer à nouveau dans la buanderie de sa résidence étudiante. Pour s’en sortir, elle décide de lui faire croire qu’elle veut bien coucher avec lui, mais seulement dans sa chambre, en espérant ainsi croiser du monde dans le couloir et pouvoir crier. C’est ce qui arrive, mais Buck retourne la situation à son avantage en faisant courir le bruit qu’elle avait déjà accepté de coucher avec lui dans la buanderie. Après cela, Erin, la meilleure amie de Jacqueline, vient lui demander si cette rumeur est vraie. C’est ce qui décide la jeune fille à se confier à Erin, en lui racontant tout. Erin se met tout de suite en colère contre Buck, ce qui laisse Jacqueline perplexe : « Tu me crois? » « Bien sur que je te crois! » Répond Erin, un peu vexée.

Erin met ensuite son propre petit ami au pied du mur. Ce dernier est le meilleur ami de Buck ; elle lui dit qu’il doit soutenir Jacqueline et dénoncer Buck, mais il refuse, en demandant à Erin : « Je ne vois pas pourquoi il violerait des filles alors qu’il peut avoir toutes celles qu’il veut », ce à quoi Erin réplique : « Tu n’as pas encore compris que ce n’était pas une question de désir sexuel, mais de domination. » Elle décide alors de le quitter.

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Badass Erin.

Pourquoi c’est bien : Erin n’a jamais mis en doute la parole de Jacqueline. C’est super positif, parce que dans la vraie vie, les victimes de viol hésitent parfois à se confier et se retrouvent souvent confronté à un entourage qui minimise les faits, voire ne les croient pas. De plus, Erin soutient son amie jusqu’au bout, en se séparant de son petit ami parce que ce dernier reste du coté de l’agresseur. Enfin, à travers les propos d’Erin, l’auteure rappelle que le viol fait appel à un mécanisme de domination de l’autre, et peut concerner n’importe quel homme (ici, rappelons le, un homme blanc, issu d’un milieu social favorisé, populaire, ayant du succès auprès des filles).

 

       3. L’apologie de l’autodéfense

À la suite de la seconde agression de Jacqueline, Erin lui propose de prendre des cours d’autodéfense. On a donc droit à un long chapitre qui décrit quelques techniques permettant de se défaire d’une situation d’agression de manière efficace. D’ailleurs, Erin est super balèze.

À la fin du livre, on peut voir que Jacqueline met en pratique ce qu’elle a appris dans une dernière situation d’agression, et qu’elle met la pâtée à son agresseur.

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Pourquoi c’est bien : En premier lieu, l’auteure nous rappelle que les femmes peuvent se sortir toutes seules de situations d’agression, qu’elle n’ont pas forcément besoin d’un sauveur mâle (même si évidemment, si une femme se fait agresser devant nous, on doit aussi l’aider, et l’aider ça peut aussi être d’appeler à l’aide si l’on ne se sent pas de prendre à parti l’agresseur). C’est également très positif de donner des descriptions de situations d’autodéfense, ça peut donner une idée de ce que l’on peut mettre en pratique dans les vraie vie et donner envie de prendre quelques leçons.

 

       4. Le consentement

[Attention, spoiler. Désolée.] 

Jacqueline commence à flirter avec Lucas et à concrétiser les choses. À chaque fois qu’ils couchent ensemble ou qu’ils font des câlins, quels qu’ils soient, même un chaste baiser, Lucas demande toujours à Jacqueline si elle est d’accord, et lui rappelle que si elle ne veut pas, elle peut toujours dire « non » ou « stop ». Il lui demande ça à chaque fois.

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Et moi aussi.

Pourquoi c’est bien : Cela met l’accent sur l’aspect PRIMORDIAL du consentement dans une relation amoureuse et/ou sexuelle, quelle qu’elle soit. C’est essentiel!

 

         5. La culture du viol et le viol conjugal

[Attention, spoiler. Again.]

Jacqueline finit par apprendre qu’une autre étudiante est victime de Buck, étudiante qu’il a cette fois violée. La jeune fille souhaite porter plainte, encouragée par Erin, qui demande à Jacqueline de porter plainte avec elle afin de la soutenir et d’appuyer ses propos. À la suite de cela, la confrérie de Buck tente de décourager l’étudiante afin de « ne pas entacher la réputation de leur confrérie ». Face à cela, Erin et Jacqueline décident de réagir en cherchant un soutien auprès de la confrérie d’Erin, qui a un poids très important dans leur université. S’en suit alors une sorte de réunion où se retrouvent toutes les filles de cette confrérie, les deux victimes, et Erin, présidée par la cheffe de la confrérie.

Au début, tous les clichés de la culture du viol sont soulevés :

  • « Mais tu portais une jupe. »
  • « Mais tu avais bu de l’alcool. »
  • « Mais tu n’es pas vierge. »
  • « Mais tu l’as suivi dans sa chambre, tu devais te douter de ce qu’il voulait. »
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Merci, Jennifer.

Les clichés sont démontés un par un à chaque fois. La cheffe de la confrérie prend finalement la parole en disant qu’elle même, en couple, a un jour refusé de coucher avec son petit ami et qu’il est passé outre son refus. « Et ça, mes amies, ça s’appelle un viol. » Elle s’érige contre toute forme de viol, en rappelant que ce n’est jamais la faute de la victime et que toutes devraient s’allier pour soutenir la victime dans tous les cas. La confrérie décide alors de s’allier avec les deux jeunes femmes contre Buck et de les soutenir dans leur plainte.

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Pourquoi c’est bien : Ce passage nous rappelle ce qu’est la culture du viol et pourquoi culpabiliser la victime est problématique et violent. Il rappelle que la victime n’est jamais responsable. Il évoque également le viol conjugal, rappelle que cela existe et qu’il faut le dénoncer tout autant que les autres. Que l’agresseur est rarement un inconnu dans une ruelle, et dans une très grande majorité des cas, un proche de la victime (cet état de fait est rappelé tout au long du roman). Enfin, l’auteure invite ici les femmes à se soutenir entre elles, à ne jamais mettre en doute la parole d’une victime de viol.

De plus, la réaction de la confrérie de Buck (réaction soutenue par Kennedy) est condamnée par Jacqueline, qui trouve scandaleux qu’on puisse défendre un violeur. Toutefois, il est nécessaire que cette réaction soit exprimée dans le livre, puisque dans la vraie vie, les violeurs issus de milieu favorisé s’en sortent souvent bien et sont soutenus par leurs proches (on peut prendre l’exemple récent de l’agresseur qui a pris 6 mois de prison pour viol sur une étudiante ivre morte parce que le juge « ne voulait pas que cela ruine sa vie », ce qui est une insulte crachée à la gueule de la victime.)

 

      6. La désacralisation de la virginité

Ça fait vraiment lien avec mon article précédent, et ce n’était vraiment pas calculé je vous assure, mais comment aurais-je pu me douter en lisant Easy que j’allais enfin trouver un autre bouquin pour jeunes adultes qui désacralise la virginité? Hé bien c’est le cas, et j’en suis ravie 😀

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Moi quand je suis ravie.

[Spoiiiiler!] 

Il se trouve que Jacqueline couche avec Lucas, dont elle tombe amoureuse. Mais ce n’est pas le premier garçon avec qui elle couche, ni le premier garçon qu’elle aime, puisqu’elle a vécu trois ans avec Kennedy et eut une vie sexuelle avec lui. Il est d’ailleurs intéressant d’apprendre qu’elle ne pensait pas aimer un jour quelqu’un d’autre que lui, ce qui montre que l’on peut aimer plusieurs personnes dans sa vie et que le sexe n’est pas un acte sacré, que les femmes se doivent de réserver à l’unique personne qui partagera leur vie jusqu’à leur mort.

 

Pourquoi c’est bien : Je l’ai expliqué dans mon précédent article!

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Pour conclure, j’ai essayé d’aborder tous les points positifs du roman, et j’en ai peut-être oublié… Je n’ai pas trouvé de problème au roman au sujet du viol, et j’ai beaucoup aimé l’histoire et le style de l’auteur, donc en fait je n’ai aucune critique à émettre de ce coté là. Par contre en terme de représentation des minorités y’aurait des choses à dire, c’est clair (même s’il y a un personnage gay qui est très chouette, pas du tout stéréotypé et intéressant, autre point positif du roman).

S’il y a des personnes qui ont lu ce livre et qui ont une autre vision du traitement du viol fait par l’auteure, je serais ravie d’en discuter dans les commentaires 🙂

Sinon, je vous invite fortement à lire ce livre (si vous aimez les romances aussi, sinon ça peut vous ennuyer) et à me donner votre avis!

 

 

 

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