Dix livres qui ont marqué ma vie

… Genre j’ai 90 ans.

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Oui je sais, ce titre est très prétentieux.

Harry Potter – J.K. Rowling


C‘était les vacances de février (impossible de me souvenir si j’étais en CM1 ou en CM2 par contre…). J’étais partie au ski avec ma mère et mes frangins, comme chaque hiver, mais, malheur, j’avais oublié de prendre un livre afin d’apprécier les soirées blottie dans le canapé ou le lit superposé du studio de location. Sauvée par ma mère, qui avait apporté un livre qu’une amie lui avait prêté :
– Il parait que c’est pas mal…
Pas mal, en effet. Tellement « pas mal » que mes deux frères et moi nous le sommes prêtés à tour de rôle (un vrai supplice) tant le livre nous a tenus en haleine, tant nous avons plongé dedans, tant nous l’avons dévoré. Ainsi que ma mère, du coup. Une vraie contagion familiale…
Par la suite, je me souviens avoir lu les trois tomes suivants, qui étaient déjà sortis en poche. J’ai reçu le tome 5 pour Noel 2003 (une longue agonie d’attente…). Pareil, un livre pour quatre, on avait chacun nos marque-pages dedans! Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs mais ce fut moi la « collectionneuse » d’Harry Potter, c’est moi qui les demandais à chaque fois en cadeau.
Mille raisons font que cette saga a marqué mon adolescence, des raisons sans doute redondantes tant elles sont similaires à celles d’autres personnes. Je me suis attachée aux personnages, au fait qu’Harry pouvait être n’importe quel enfant de notre monde, ce qui m’a donné à croire que moi aussi je pouvais vivre des aventures extraordinaires. Je me suis fortement identifiée à Hermione, cette « Mademoiselle Je-sais-tout » aux cheveux très frisés, passionnée de livres, comme moi. Le monde merveilleux imaginé par Rowling m’a semblé crédible, fascinant, passionnant, et en grandissant, j’ai adoré l’analyser, y lire des messages politiques, des interprétations cachées. J’ai eu envie de devenir une sorcière de Poudlard, d’avoir mon animal magique et de suivre des cours de sortilèges et de Défense contre les forces du Mal. Sans compter que je suis tombée amoureuse de Ron T_T Bien sûr, par la suite, il y a eut les films, qui ont contribués à développer cette mythologie et à cette histoire d’amour étalée sur plusieurs années, mais les livres ont compté avant tout.

A la croisée des mondes – Philipp Pulman

Celui-ci fut un cadeau d’une de mes amies pour mes 10 ans. Là encore, le bouche à oreille avait bien bossé puisqu’on avait dit à sa mère que le livre était cool, et elle avait flashé sur le léopard de la couverture. Le… Léopard? Ah oui, pas de bol : elle avait pris le tome 2! Ma mère eut pitié de moi et m’acheta le tome 1, que j’ai dévoré en un rien de temps. Par la suite, ma meilleure amie et moi avons développé un délire assez énorme autour de l’existence des daemons, et on s’est inventé tout un monde parallèle dans lequel nous avions nous aussi des daemons… Ce jeu nous a suivi un certain temps, ce qui fait que jusqu’en 5e, j’étais considérée comme assez immature comparée à mes camarades. Mais je le vivais assez bien.
Au delà de ça, il m’a fallu un peu plus de temps pour comprendre l’aspect politique du bouquin, surtout le tome 3, que j’avais à l’époque trouvé très chiant à lire et que j’ai davantage compris en le relisant quelques années plus tard, au lycée, ce qui m’a permis de comprendre à quel point le livre était complexe et pertinent. Je viens il y a peu de finir le premier tome de la nouvelle trilogie de Pullman, La Belle Sauvage, ce qui m’a donné l’agréable sensation de retrouver de vieux amis tout en savourant pleinement cette fois les multiples sens de l’ouvrage.

Le Livre des Etoiles – Eric L’Homme

Celui-ci fut (exception) un cadeau reçu par mon frère a un anniversaire par l’un de ses amis (on avait décidément des potes plutôt doués pour choisir les livres). Presque ex-aequo avec « La Quête d’Ewilan », mais je dois avouer que j’ai été autrement plus marquée par cette trilogie car c’est un amour que j’ai partagé avec mon petit frère, nous en étions fan tous les deux. Tellement fan que l’on se refaisait l’histoire en mode jeux de rôle et tout le bazar. Cette histoire me fascinait tellement que je l’imaginais vraie, et je m’étais persuadée que le Pays d’Ys existait vraiment, d’ailleurs j’étais amoureuse de Romaric et je comptais bien le rencontrer en vrai, ma gueule (mais c’est pas pour ça que je suis venue vivre en Bretagne par la suite, promis). Mon frère était amoureux d’Ambre, lui, du coup c’était bien pratique, lui pouvait incarner Guillemot et moi Coralie. Que voulez-vous, les choses sont très binaires quand on a 10 ans. Certes, avec du recul, je suis totalement consciente que cette série est vraiment trop hétéro-centrée et que c’est un peu abusé qu’ils finissent tous maqués les uns avec les autres à la fin mais bon, je l’aime quand même d’amour, je n’y peux rien.
Cela dit, la magie inventée par L’Homme me semblait très logique et bien plus crédible que celle d’Harry Potter (chacun son truc, que voulez-vous).
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Mon idée du Pays d’Ys.

Quatre filles et un jean – Ann Brashares

Encore une saga dont je vous ai déjà parlé sur ce blog, et ce n’est pas pour rien, mais Quatre filles… a marqué mon adolescence. Encore un livre offert par une amie pour mon anniversaire, que j’avais passé à l’hopital à cause d’une crise de migraines très violente. A mon retour, elle m’avait laissé ce livre. Je me souviens l’avoir dévoré en entier le soir même. J’avais été marquée par le fait que l’une des héroines porte le même prénom que moi (oui, à 12 ans, on a besoin de ce genre de repères égocentriques… ).
Comme pour Harry Potter, le fait que la saga se soit déroulée sur plusieurs volumes, et donc plusieurs années a pu accentuer l’attachement que j’avais pour les personnages et leur développement. Je les ai longtemps comparées à certaines de mes amies, et encore aujourd’hui, quand je relis les tomes, c’est leur visages qui m’apparaissent.
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Oui, cette couverture super cheum est probablement sortie tout droit du 5e cercle de l’Enfer.

Tara Duncan – Sophie Audouin-Mamikonian

Okay, nous arrivons sur un terrain pentu. J’ai découvert Tara Duncan au CDI lorsque j’étais en 4e. Le livre était présenté dans les nouveautés. Je me souviens avoir trouvé la couverture étrange, mais le résumé m’avait tenté. Bien m’en a pris : je l’ai lu le soir-même et je crois avoir éteint la lumière vers 3h du matin parce qu’il FALLAIT que je le finisse. J’ai beaucoup ri, et c’est devenu mon nouveau livre préféré. Voilà pour les présentations.
Par la suite, comme c’est une saga, j’ai attendu chaque année la sortie officielle du nouveau tome, et j’ai eu l’occasion de rencontrer l’auteure à un salon du livre (et Pierre Bottero le même jour!), ce qui m’avait pas mal émue. Au lycée, j’ai commencé à fréquenter le « monde taraddict » (les autres fans, comme moi) sur internet, mais il a fallu attendre les études supérieures pour les rencontrer IRL. C’est un bouquin qui a donc marqué mon adolescence pendant des années parce que je le lisais et que j’adorais, mais qui a aussi été la source de profondes amitiés. Les taraddicts que j’ai rencontré sur internet, puis en séances de dédicaces de l’auteure à Paris sont devenus certains de mes meilleurs amis, voire plus encore puisque certain-e-s sont également des camarades de lutte politique…

Le vent de feu – William Nicholson

Cet espèce d’OVNI littéraire est arrivé entre mes mains le jour de mon anniversaire (encore!), je devais être en 6e. Un cadeau de ma mère cette fois! J’ai tout de suite plongé dans cet univers complètement barré, dystopique avant l’heure, et sacrément politique avec du recul. Je n’ai jamais rencontré d’autre personne ayant lu cette trilogie, mais moi elle m’a complètement claquée et je l’ai relue un nombre incalculable de fois. En grandissant, j’ai de mieux en mieux saisi la portée politique de l’oeuvre, une sorte de fable émancipatrice prônant l’abolition de tout ordre hiérarchique et autoritariste (tiens tiens…), pas forcément facile d’accès de prime abord tant l’univers est complexe. Ma référence en la matière pendant un bon paquet d’années, et sans doute le premier roman dystopique que j’ai lu.

Marche ou crève – Stephen King

On arrive maintenant au lycée. Il m’a été très difficile de sélectionner un Stephen King, qui est mon auteur préféré depuis cette époque. Beaucoup de ses bouquins m’ont marquée, comme Salem, qui fut le premier que j’ai lu (en 3e), ou Shining et La ligne verte, qui m’ont foutu une sacrée claque à l’époque. J’ai choisi Marche ou crève car c’est le premier bouquin qui m’ait provoqué une angoisse pas possible alors qu’il n’était pas un livre d’horreur à proprement parler. Toute l’intrigue repose sur l’évolution psychologique des personnages, ou comment on peut être parfaitement conditionné à choisir de participer à une course où l’issue est la mort ou la folie. J’ai été bouleversée par les personnages, le schéma de l’histoire, le fonctionnement psychique du héros, et cela m’a fait beaucoup réfléchir sur les lavages de cerveaux et les influences sociales. C’est sans doute un des livres qui m’a aidé à prendre conscience que je ne voulais pas faire partie d’un groupe trop puissant socialement, que je voulais continuer à me méfier des emprises de groupe, que je n’ai jamais voulu rejoindre des groupes (militants ou non) trop identifiés politiquement et que je continue encore aujourd’hui à cogiter au maximum sur tout ce que je lis, écoute, discute.

L’Attrape-Coeur – J.D. Salinger

Les filles c’est comme ça, même si elles sont plutôt moches, même si elles sont plutôt connes, chaque fois qu’elles font quelque chose de chouette on tombe à moitié amoureux d’elles et alors on sait plus où on est. Les filles. Bordel. Elles peuvent vous rendre dingue. Comme rien. Vraiment.

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Le bouquin qui a bien vécu sa vie de bouquin.
Encore un cadeau! Ce livre m’a été offert par mon grand frère Jean-Christophe le Noel de mes 17 ans. Il m’avait dit : « Ce livre était un de mes préférés quand j’avais ton âge… ». Sacrément bien ciblé. Je suis tombée à moitié amoureuse d’Holden et en même temps je l’ai à moitié détesté tant il me semblait con, mais si fascinant, aussi perdu que moi, ce qui était sans doute la raison pour laquelle il m’a plu. Il y a un coté très nihiliste dans ce livre qui collait parfaitement à mes angoisses et mes troubles adolescents, et j’ai aimé le style brut et agressif de Salinger, à une époque où tous les romans pour ados étaient trop puritains dans le genre, manquaient de réalisme, d’hormones, de violence, de brutalité, d’émotions, alors que j’étais traversée de toute part par toute ce bouillonnement. Et j’ai retrouvé cela dans ce livre, et ça m’a fait du bien. Je me suis sentie moins seule, moins incomprise, par un personnage, ou un auteur au moins. J’ai lu ce livre un nombre incalculable de fois.

Purity – Jonathan Franzen

J‘ai téléchargé Purity en ebook l’année de sa sortie après en avoir lu un article élogieux sur Télérama (j’assume complètement d’être un cliché d’intello). La critique m’a tentée, mais il m’a suffit de lire la première ligne du résumé pour être convaincue que je DEVAIS lire ce livre : « Purity, alias Pip, est une jeune américaine qui vit dans un squat à Oakland, en Californie ». Par le plus grand des hasard, le jour où j’ai lu cette critique, j’étais en train de préparer mon voyage d’un an pour ladite Oakland et ça me demandait une certaine préparation psychologique car j’allais être séparée de mon copain pour cette durée. J’étais également sujette depuis des mois au syndrome de la page blanche et complètement embourbée dans un roman qui n’avançait pas. C’était donc le moment idéal, me semblait-il, pour me plonger dans ce pavé de plus de 800 pages d’un auteur dont je n’avais jamais entendu parler.
Vous vous doutez de la suite : j’ai plongé la tête la première dans le roman, ai été happée par l’histoire complexe et enchevêtrée dans le temps, l’espace et les personnages et n’en suis ressortie que deux jours plus tard, complètement sonnée et encore un peu perdue par rapport à la réalité véritable. Suite à cette lecture, j’ai repris mon roman, effacé les trois quarts de ce que j’avais écrit et tout repris de zéro, ou presque. Un mois plus tard, je décollais pour San Francisco et il ne me restait plus qu’une cinquantaine de pages à écrire. Autant vous dire que Purity, en plus d’avoir été un coup de foudre littéraire énorme (j’ai par la suite dévoré deux autres pavés de Franzen) m’a aidé à surmonter ce blocage d’écriture, même si mon roman n’a strictement aucun rapport avec la choucroute. C’est comme ça, c’est la magie de Purity.

La Zone du Dehors – Alain Damasio

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Allez, on finit avec un dernier cadeau! Encore de mon grand frère (décidément, il connait bien sa cible) pour mes 28 ans, l’été dernier. Voici le résumé qu’il m’en a fait : « C’est un livre génial qui se passe dans une société futuriste où se déroule un combat entre les anarchistes et la démocratie. » Ok j’en suis.
Je crois que je l’ai lu au bon moment, ce moment de ma vie où tout allait trop vite et que je ne controlais plus rien ; et la Zone du Dehors, c’est un bouquin où les protagonistes veulent abolir le contrôle justement, où la liberté se doit de devenir absolue. L’intrigue et le style sont complexe mais bien, très bien écrits. C’est le bouquin le plus révolutionnaire que j’ai pu lire, et rien que pour cela, il vaut son pesant d’or. Ca restera pour longtemps ma référence en terme de science-fiction politique.

Voilà, camarade livrophile, c’est tout pour aujourd’hui, mais sache qu’il ne s’agit que d’une sélection, bien d’autres romans et essais ont marqué mon existence centenaire (non). Ca te donne cela dit une idée du personnage que tu suis avec assiduité sur ce blog.