L’idiote et le connard

J‘étais tranquillement en train de lire la nouvelle BD de Vincent Bailly et Kriss, Partitions irlandaises, quand soudain, il est arrivé sans crier gare : l’irrésistible et insupportable besoin inconditionnel d’écrire. Tu sais, c’est exactement le même sentiment que tu as quand tu es sous l’eau, en apnée, et que tout à coup, il faut que tu respires, sinon tu mourras. Le besoin d’écrire me fait exactement le même effet. Le problème, c’est que ça fait plus de trois ans que je ne l’avais pas ressenti aussi intensément. J’ai eu envie d’écrire, j’ai eu l’inspiration pour quelques nouvelles, mais je n’ai pas eu ce besoin physique de coucher une histoire qui viendrait à moi sans que je puisse l’en empêcher.

Je ne saurais dire si ce besoin est arrivé à la lecture de cette BD, à moins que ce ne fut à la vue de l’œuvre d’art qu’est le roman La maison des feuilles qui s’est retrouvé entre mes mains quelques instants plus tôt et qui m’a mis dans un état d’excitation indescriptible tant je l’attendais depuis des semaines. A moins que ce ne fut le point final que j’ai mis au 2e jet de mon premier roman, que je traine dans mon sillage depuis plus de quatre ans sans savoir qu’en faire. C’est sans doute aussi provoqué par le fait que je l’ai enfin envoyé à ma lectrice la plus exigeante, dont je redoute l’avis depuis toujours. Ou enfin, pour finir, peut-être est-ce l’effet de la mélodie de Mansfield.TYA qui résonne en boucle dans ma tete depuis quelques jours : « Pour te dire que tes mains, que tes gestes et que tes yeux, pour te dire que tes seins, ton sourire et tes cheveux sont les choses que je veux ici et dans ma tombe… ». Peut-être un mélange de tout cela. Toujours est-il que je me suis plongée dans l’écriture sans voir l’heure tourner, alors que j’ai des enfants et que je ne peux plus me permettre de me déconnecter complètement de la réalité comme j’ai l’habitude de le faire quand je me plonge dans quelque chose qui me passionne vraiment.

Mais enfin, je suis en ce moment assaillie par une quantité astronomique de souvenirs qui m’obsèdent. Il n’y a pas trop de rapport entre eux, si ce n’est qu’ils ont tous le gout amer de l’inachevé, d’un point final qui n’aurait pas pu être mis. A moins qu’ils ne reflètent mon éternelle névrose, celle de ne pas supporter les fins. Ils sont probablement l’illustration du grand drame de ma vie : je ne termine jamais ce que je commence. Les époques et les gens se mélangent, mon age aussi, les histoires sont des histoires d’amour, d’amitié, de trahison ou de voyage, et l’autrice principale semble ne pas accepter qu’elles soient terminées. Alors elles me sont revenues, sous la forme de personnages plus ou moins identifiables, de situations plus ou moins vécues, de rêves plus ou moins formulés, et les mots se sont succédés les uns après les autres sans que je puisse les arrêter. En temps normal, une fois que j’ai planté le décor qui s’est imposé à moi et que mon corps m’a réclamé de rédiger, j’appuie sur pause et je prends un peu de temps pour dresser le portrait de mes personnages et des périodes qui vont s’écouler dans mon histoire. Mais là, je ne peux pas, l’urgence est encore là, je ne suis pas encore capable de m’arrêter d’écrire.

Et comme je suis toujours complètement obsédée par les histoires d’amour et de relations humaines, je me retrouve à écrire l’histoire d’une idiote et d’un connard, sur fond de musique punk, d’Atlantique nord, de chants de marins et de légendes arthuriennes. Je n’ai jamais dit que j’étais une fille originale.

Sam Gamegie le brave

Ou pourquoi Samsagace est le meilleur personnage du Seigneur des Anneaux.

Sam Gamegie est l’un des quatre Hobbits membres de la Communauté de l’Anneau (composée en tout de neuf créatures de la Terre du Milieu), chargée de détruire le Fléau d’Isildur dans la Montagne du Destin (je conviens que cela fait beaucoup de Majuscules mais c’est ainsi, tout cela est très formel voyez-vous). Il se trouve qu’il est aussi mon personnage préféré de cette histoire, et j’avais envie de développer ce qui me plait tant chez lui.

  1. Sam est un Hobbit

Je pourrais m’arrêter là, mais alors vous ne comprendrez peut-être pas où je veux en venir. J’aime d’amour les Hobbits et leur culture (même si comme dirait Gandalf, « on peut apprendre tout ce qu’il faut sur les Hobbits qu’ils continuent de nous surprendre« ), déjà parce que ce sont des gens simples, de bons vivants qui sont heureux simplement en mangeant de la bonne bouffe et en buvant de la bonne binche. Ils sont hospitaliers et accueillants, ils aiment cultiver les légumes et s’inviter les uns les autres, ils sont pacifiques et n’ont pas l’idée d’envahir ou de faire la guerre à leurs voisins. Ils sont tellement cools qu’ils n’ont même pas de flics putain, imaginez un monde où y’a pas de flic et où le seul role du maire est de faire un discours avant chaque banquet! La Comté me fait rêver. De fait, Sam étant lui-même un Hobbit, il m’est d’emblée sympathique comme me le sont Frodon, Merry et Pippin.

Mon pote, quoi.

Cette identité fait de Sam, comme les trois autres Hobbits de la Communauté, un personnage qui n’a pas demandé à prendre part à l’aventure et qui, à chaque fois où il aurait eu la possibilité de faire demi-tour (à Fontcombe, lors de la descente de l’Ithilien, voire même depuis le départ de la Comté) refuse d’abandonner son maitre.

Car oui, rappelons le : Sam n’est à l’origine pas l’ami de Frodon mais son jardinier. Il est bien plus jeune que lui (Frodon a 12 ans de plus) et à son service. Pour moi la question se pose : que gagne-t-il à protéger Frodon jusqu’au bout de la nuit du Mordor? D’ailleurs comment les Hobbits façonnent-ils la différence entre amitié et servitude? Sam ne serait-il que l’Elfe de maison de Frodon, heureux de le servir jusqu’à la mort? Car malgré tout il l’aime, il le dit lui-même. Une telle absolution laisse tout de même perplexe, sans pour autant m’empêcher d’admirer la force mentale de Sam.

2. Sam est un Pouffsoufle pur et dur

Sam a toutes les caractéristiques pour être un vrai Pouffsoufle : il est loyal, humble et juste. Loyal, parce qu’il n’abandonne jamais Frodon (je dis bien jamais, car, contrairement à ce que Peter Jackson a choisi de développer dans ses films, il ne quitte pas Frodon en haut des escaliers de Cirith Ungol et ne le laisse pas entrer seul dans l’antre d’Arachne). Non seulement il ne l’abandonne pas, mais il finit même par le porter littéralement jusqu’à la Montagne du Destin. Il prend, si je puis dire, le double fardeau de l’Anneau et de son Porteur en un seul geste. Il aurait pu choisir d’abandonner Frodon pour finir la tâche qu’il devait accomplir (comme un Gryffondor aurait pu le faire) mais choisit d’assumer autant que faire se peut les deux taches.

Tu m’étonnes.

Sam n’est pas qu’un ami loyal. Il est également un Hobbit des plus humbles, ce qui je le reconnais fait partie des caractéristiques des Hobbits qui n’ont pas pour habitude de la ramener (contrairement à Jean-Michel Blanquer, qui n’a pour ainsi dire rien d’un Hobbit). Toutefois, ce trait de caractère est magnifiquement illustré lorsqu’il dit : « J’entends un simple repos ordinaire, et du sommeil, et un réveil pour le travail matinal dans le jardin. Je crains que ce ne soit tout mon espoir pour le moment. Tous les grands plans importants ne sont pas pour mon espèce.« 

Pour autant, en vrai Pouffsoufle qui se respecte, Sam sait se défendre quand il le faut, en est pour preuve notamment son combat contre Arachne, sachant que « personne, jamais personne, n’a piquée une épingle dans Arachne » avant lui. Sam n’est donc pas dénué de courage, ce qui est une preuve supplémentaire s’il en faut car les Pouffsoufle sont loin d’être des laches! J’aime les Pouffsoufle parce qu’ils sont désintéressés justement, ils ne font pas d’actions pour obtenir quelque chose en échange, mais simplement par pure gentillesse ou pour le bien moral. Je pense que Sam est une belle personne morale, comme tous les Pouffsoufle.

THAT’S MY BOY.

(Frodon quant à lui aurait été envoyé à Gryffondor et Merry à Serdaigle, si vous voulez mon avis).

3. Sam est le héros de cette histoire

Je pense qu’il n’y a rien à ajouter, et nous sommes tou-te-s d’accord avec ça.

Non mais je veux dire, en vrai. Sans Sam, est-ce que Frodon aurait pu ne serait-ce qu’aller jusqu’au Mordor? Déjà, Gollum l’aurait déjà eu plus d’une fois. C’est Sam qui reste le plus méfiant vis à vis de Gollum – ou plutot du Sournois et du Puant, comme il l’appelle lui-même. Sam aussi qui l’empêche plusieurs fois de se faire attraper par les Nazgûls en mettant l’anneau au moment le plus inopportun. Il le sauve des Orques qui l’emmènent à la Tour de Cirith Ungol. Et enfin… Hé bien il emmène Frodon jusqu’à la Montagne du Destin, littéralement.

On est bien d’accord, gros.

Sur ce dernier point, toutefois, je me dois de reconnaitre que l’histoire ne se serait pas achevée ainsi sans l’aide effective de chacun des membres de la Compagnie (Boromir excepté… déso), ce qui rend à mon sens la morale de l’histoire d’autant plus intéressante, s’il devait y avoir encore des gens à convaincre de l’intéret littéraire de cette trilogie.

Ce sentiment d’étrangeté

Un jour, tu es une fille, une amie, une copine. Tu es un être unique, tu n’existes qu’à travers toi-même. Tu penses à tes propres besoins, et comme la vie a un rythme, tu n’as presque pas besoin d’y penser vraiment, finalement. Tu laisses rouler les choses toutes seules, sans avoir besoin de t’y pencher sérieusement. Tu réfléchis à : que vais-je manger ce midi? Quel livre vais-je pouvoir lire aujourd’hui? Quelle séquence vais-je préparer pour mes élèves en géométrie? Ai-je assez d’argent pour m’acheter ce manteau?

Du jour au lendemain, bam, tout ça se pète la gueule sans que tu ne comprennes rien. C’était pas faute de t’être préparée, hein, et pas en quelques jours non plus. Il s’est passé le printemps, l’été, la moitié de l’automne, presque une année complète quand même. Mais non, il suffit de ces vingt dernières minutes passées les jambes en l’air, après une attente de seize heures shootée aux hormones de synthèse pour que ta vie bascule et que tu ne sois plus une mais deux. Ta vie ne compte plus, c’est la sienne qui prévaut. Tes besoins n’importent plus, ce sont les siens qui passent avant tout. Cette petite personne inconnue, débarquée dans la vie – dans la tienne, aussi – en couinant et en tirant la langue, histoire de dire ce qu’elle pense de ce monde de merde. Tu es tout pour elle, et elle pour toi.

Moi je suis née ici pour n’être qu’avec toi.

Je n’ai jamais compris ce qui faisait que certaines personnes pouvaient entrer et sortir de ma vie comme elles le souhaitaient, comme des coups de vent, avec violence, du jour au lendemain. J’ai toujours eu une angoisse d’abandon assez intense, difficilement contrôlable, et plus je me sens insécure plus je suis flippante, je pense. Avant son arrivée, je me suis préparée à ça, à être capable de lui laisser de l’espace, à ne pas trop l’étouffer, à ne pas paniquer à chacun de ses pleurs inconsolables. Et les premiers mois avec lui furent tellement difficiles que plus rien ne me fait peur, à présent. Je suis complètement sécure, je pense que lui aussi du coup car il a l’air de croquer la vie. Il sourit tout le temps, et pour tout. Il s’émerveille d’un rien, du coup moi aussi. C’est la seule personne dont je n’ai pas peur de l’abandon, car il sera toujours lié à moi, quoi qu’il arrive. Quel paradoxe.

Je commence à peine à recommencer à penser à moi, à m’autoriser des sorties émotionnelles. C’est comme si ces cinq derniers mois, je m’étais oubliée. J’ai laissé ses émotions prendre le pas sur les miennes, elles m’ont envahie, je les ai absorbées pour qu’il ait toute la place dont il avait besoin. Et maintenant je me souviens à nouveau ce que j’avais laissé de coté tout ce temps, je repense à ces absences qui me dévorent, à ces expériences que j’ai laissé derrière moi et que je ne vivrai plus jamais.

J’t’emène courir après les filles, après les garçons, après les rêves…

J’en ai vécu des histoires d’amour. La vie, comme toi, je la dévore, je ne lui laisse aucun répit, aucune chance de s’échapper, je l’étouffe, moi, la vie. J’étouffe l’amour, aussi. C’est impressionnant la place que je lui donne, à l’amour, et que les gens prennent dans mon coeur. Il suffit souvent de rien, un regard, je tombe amoureuse, comme la première fois que je t’ai vu. Une odeur, pour me bouleverser. Ton premier sourire, aussi. Ce sentiment d’être tout pour toi, et celui de n’avoir besoin de rien d’autre. J’en ai aimé, j’en aimerai encore, mais toi, c’est infini.

Adulthood is a myth.

Mon cerveau est connecté en continue. C’est comme si j’étais sous acide, j’imagine, sauf que je peux pas comparer vu que j’ai jamais pris d’acide. C’est comme si je planais en permanence sous l’effet de mes pensées. Mes pensées ont un nom, elles ont une vie propre, je suis sure qu’elles ont même des rêves et une réalité bien à elles.

Mes pensées sont des rêves, mes rêves sont des histoires. Je suis shootée aux mots, droguée aux fantasmes, parfois je ne sais plus si je préfère être dans le vrai monde, ou dans le mien. Je peux m’envoler pour un rêve, je peux déconnecter tellement fort que tu ne peux même plus me parler. Je suis un puits d’infinité.

Le problème, ce sont les souvenirs. Ils s’accrochent à moi comme des milliers de toiles d’araignées couvertes de rosée, le matin, en automne. Ils sont tenaces, ils arrivent sans me prévenir, je n’ai même pas à les invoquer. Ils ne sont pas toujours tangibles. Si je me prends à plonger dans l’un d’entre eux, je peux être sure de quitter la réalité du monde et de voguer dans un entre deux qui mélange ce qui est vraiment arrivé à ce que j’aurais aimé qu’il arrive. J’en arrive à ne plus faire confiance à ma mémoire, parfois, elle qui est pourtant si précise quand elle le veut bien. C’est comme si elle avait joué et rejoué mille fois une scène dans ma tête et qu’à la fin, elle ne savait plus très bien ce qu’elle avait projeté et ce que j’ai vraiment vécu.

Le problème, c’est ce mec, auquel je pense systématiquement à chaque fois que j’écoute The Smith. C’est pavlovien je crois. Je ne peux pas lancer Heaven Knows I’m Miserable Now ou This Charming Man sans que m’apparaissent ses yeux bleus et sa silhouette élancée dans son stupide pull vert et blanc. Trois ans à attendre qu’il ne se passe rien, pour finir sur un message en allemand auquel j’ai jamais rien compris.

Le problème, c’est ce champ de blé à perte de vue, que j’ai créé dans ma tête en séance de sophrologie et qui est si précis, si efficace qu’il suffit que j’ai une crise d’angoisse pour le voir surgir comme un coup de poing devant mes yeux, et j’y suis comme si j’étais dans mon salon, et je marche vers un arbre noir et sec, qui porte parfois des feuilles et parfois non. Et selon mon état mental à ce moment là, le temps est à l’orage, ou pas. Le soleil peut m’éblouir. Il fait gris, il n’y a que le blé battu par le vent ou au contraire une immensité de fleurs bleus et rouges qui pointent vers le ciel. Ce champ existe, dans ma tête.

Le problème, ce sont ces morceaux de moi-même que j’aimerais laisser derrière moi lorsque ma vie avance mais qui sont toujours là, accrochés à mes talons et que je vois encore quand je regarde derrière moi. J’aimerais arrêter d’oublier d’aller acheter du pain alors que je continue de penser à cette douleur d’avoir été oubliée par cette fille du jour au lendemain, t’es dans la vie de quelqu’un et soudain t’existes plus. Et si j’y pense trop fort, je replonge et plus rien n’a de sens, les pensées se bousculent, je fais des phrases dedans et je perds pieds avec la réalité.

La réalité est un mythe à elle seule.

Why do I give valuable time
To people who don’t care if I live or die?

En attendant Godo

C’est l’histoire de deux mecs. Et ils attendent.

Hang the blessed DJ
Because the music that they constantly play
It says nothing to me about my life

C’est l’automne.

C’est la saison des noix, des soupes au potimarron, des thés noirs bien chauds et du tricot.

C’est la saison de Samhain, des pleines lunes revigorantes et des rituels apaisants.

C’est la saison des nuits qui rallongent, des feuilles mortes et du vent d’ouest qui se réveille.

C’est la saison où tu dois arriver.


Il y a six ans, je suis tombée amoureuse.

Je savais déjà ce que c’était, je connaissais bien l’amour, je l’avais vécu mille fois. J’ai toujours recherché l’Autre, car contrairement à ce que dit Sartre, ce n’est pas mon enfer. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours détesté être seule. C’est difficilement avouable, dans une société où on te crie à la gueule que tu dois apprendre à vivre seule, que tu n’as pas besoin d’un-e autre pour être complète, toi-même, heureuse. Moi, j’ai besoin d’un-e autre. Dans les questionnaires idiots que l’on remplissait quand on était ados, à la question « quelle est ta plus grande peur », je répondais toujours « le vide, l’enfermement, la solitude ». Ce qui au fond, est peu ou prou la même chose.

Sauf qu’à 23 ans, après une relation longue et que je n’arrivais pas à finir justement parce que j’avais peur d’être seule, je goûtais enfin à la saveur de la solitude. Je savais que ça ne durerait pas, qu’au bout de quelques mois j’en aurais marre et que je repartirais sur les chemins du désespoir d’être seule que j’avais vécu toute mon adolescence, mais à ce moment précis de ma vie, j’étais très heureuse. J’étais seule et heureuse. C’était peut-être le seul moment de ma vie où je ne voulais pas être amoureuse.

Evidemment, c’est le moment qu’il a choisi pour arriver, lui. Mais il ne pouvait pas savoir.

Il ne pouvait pas savoir qu’il me ferait rire dès les cinq premières minutes à mes cotés.

Il ne pouvait pas savoir que son sourire et ses yeux bleus me bouleverseraient.

Il ne pouvait pas savoir que j’aurais envie de passer ma main dans ses cheveux jusqu’à l’engourdissement.

Il ne pouvait pas savoir qu’il était le premier garçon dont l’avis politique ne me donnerait pas envie de lever les yeux au ciel, mais au contraire de l’écouter parler.

Il ne pouvait pas savoir qu’à 17 ans, j’avais décrit mon amoureux-se idéal-e et qu’il lui collerait parfaitement.

Pour la première fois de ma vie, je ne me suis pas emballée, j’ai attendu. Pas très longtemps.

En six ans, on a gravité l’un autour de l’autre comme deux planètes. Lorsqu’on était séparés physiquement, on souffrait autant l’un que l’autre. On a vécu mille épreuves qui nous ont fait grandir. Lorsque j’ai vécu 8 mois aux Etats-Unis et que ça a tenu malgré le manque indicible, j’ai su.

‘Cause we’re lovers, and that is a fact
Yes we’re lovers, and that is that

Je me demande à quoi tu ressembleras, quelle genre de personne tu seras. Si tu préfèreras les glaces à la vanille (comme moi) ou au chocolat (comme lui). Si tu aimeras autant les Smiths que moi. Si tu sauras danser, comme lui, ou si préfèreras t’allonger sur ton lit pour écouter. Si tu aimeras plutot les garçons, plutot les filles, les deux, ou aucun. Si tu joueras de la guitare. Si tu seras plutot réservé-e ou plutot sociable.

Et même si ce monde est laid, moi je veux te montrer que toute sa beauté n’a pas disparu. Qu’on peut trouver du beau dans chaque personne, qu’il suffit d’écouter. Qu’on peut marcher dans la foret, nager dans la mer, s’allonger sur le sable et se sentir vivant-e. Que même si on ne saura jamais voler, on peut toujours rêver tout son saoul, promis, c’est presque pareil, qu’on peut passer la journée à lire le meilleur livre du monde en buvant du thé et en caressant son chat et que ça suffit à être heureux-se.

Je veux que tu ressentes, aussi fort que je ressens. Que tu sois aimé-e et que tu aimes, aussi fort que j’aime et que je suis aimée. Que tu sois entourée comme je suis entourée. Que tu connaisses la bienveillance, la bonté, la douceur, la joie de vivre, le rire, mais aussi que tu sois révolté-e, en colère, triste aussi, pour que ça te porte comme ça nous porte au quotidien, que ça te donne des ailes pour changer le monde comme on essaie de le changer pour toi, que tu ne laches rien, que tu sois aussi enragé-e que nous.

Je veux qu’on sache te rendre heureux-se.

Chroniques de la vie ordinaire, ou l’angoisse de la page blanche.

Avec l’écriture, j’ai toujours eu deux phases, plus ou moins longues chacune selon les périodes de ma vie : soit je suis hyper productive, j’écris à chaque moment de temps libre, j’y pense en continu, dans mon lit, en voiture, en balade, même quand je lis. Mes personnages fourmillent dans ma tête, je leur invente cinquante vies et cinquante situations différentes et ils m’accompagnent au quotidien. L’été 2016 fut de cette phase là, où j’ai été si productive que j’ai quasi écrit mon livre en deux mois.

Soit c’est la page blanche, la déconnexion totale, celle où il ne se passe soudain plus rien, nulle part, ni dans mes romans, ni dans mes cahiers d’écriture. La seule chose que je continue de remplir inlassablement même pendant cette phase improductive (car c’est une question de survie, comme diraient les L5) c’est mon journal intime. Mais en dehors de ça, toute forme de créativité scriptique (j’invente ce mot ok?) a disparu. Et c’est très bizarre, parce que ça ne m’empêche bien évidemment pas de continuer mes rêveries et mes aventures internes, mes histoires dans ma têtes et mes conversations mentales.

Le problème, c’est que cette année, cette phase dure depuis l’hiver dernier et je la trouve un peu longue. Je sais que le contexte joue pas mal, et l’année 2018-2019 (oui depuis que je suis prof, je compte en année scolaire, m’en voulez pas) fut une année où j’ai pas mal eu besoin de me concentrer sur moi-même, une sorte d’année de transition mentale assez importante, comme si c’était l’année où j’étais devenue adulte. Moi, je ne savais pas qu’on devenait adulte du jour au lendemain comme ça, je croyais que ça se faisait en douceur, après l’achat de sa première voiture ou sa première déclaration d’impots. Je pensais qu’on s’en rendait même pas compte, que tout à coup les trucs qui nous semblaient débiles et chiants étant enfants étaient soudain importants et qu’on savait les gérer miraculeusement. Quand j’ai eu mon concours et que j’ai commencé à enseigner, j’ai flippé, j’ai pensé que tout le monde allait finir par se rendre compte que c’était pas possible, que j’étais qu’une ado, que j’étais pas capable d’avoir une telle responsabilité comme ça, alors que paradoxalement, une fois dans ma classe c’est totalement naturel d’être là, je sais ce que je fais. Mais je me sens toujours comme une ado avec 25 enfants à stimuler (et j’aime bien ce sentiment).

Bref, je m’égare, pardonne-moi cher lecteur (tu es toujours là?). J’ai l’habitude de te faire lire des chroniques littéraires, des critiques et des analyses de choses spécifiques, et voilà que tu te retrouves à lire l’analyse en détail de ma page blanche de l’année 2019. J’en suis vraiment navrée.

Je sais, mon pote.

Je n’ai donc rien écrit de pertinent depuis huit mois, et à chaque fois que j’y pense, ça m’angoisse et je n’arrive même pas à ouvrir mon document word pour avancer sur mon roman. Ma théorie à ce sujet, pour en revenir à cette année de transition de l’âge adulte que je suis en train de traverser, c’est que mon roman parle justement de tout ça, mais que j’en suis restée à une partie qui traite de la vie d’étudiants de mes personnages et que je n’arrive plus à écrire dessus. Je crois que cette partie de ma vie est officiellement terminée depuis un an. Et là, je suis en train d’accepter que ma vie a pris un nouveau tournant, que j’en ai ouvert un nouveau chapitre, chapitre que n’ont pas encore entamé mes personnages.

Je vous ai dit que j’écrivais en fonction des phases de ma vie, aussi?

Je ne le savais pas, je viens de le réaliser après un été entier d’introspection à essayer de comprendre ce qui bloque dans cette période sombre de la page blanche (bel oxymore).

Je crois qu’il est temps de commencer quelque chose de nouveau, quitte à mettre ce deuxième roman en suspend, lui aussi. C’est ce que j’avais fait pour le premier, quitte à être capable de le reprendre plus tard, et c’est ce qui l’a sauvé je pense. Il est temps de m’atteler à un nouveau projet.

Concernant l’avenir de ce blog, en ce qui le concerne, il a encore je pense de beaux jours devant lui. Ces derniers temps, j’ai énormément de temps pour lire, donc je lis environ un livre par jour, et même s’ils ne sont forcément pas tous de qualité, j’ai quelques idées de chroniques que je compte bien te proposer incessamment sous peu. Et comme ce blog n’est pas qu’un blog de lecture, il y a d’autres analyses que j’aimerais te soumettre bientôt. J’aimerais bien te parler un peu musique, aussi.

Toi, j’espère!

Donc, reste dans le coin, d’accord cher lecteur?

Dix livres qui ont marqué ma vie

… Genre j’ai 90 ans.

strangerthings
Oui je sais, ce titre est très prétentieux.

Harry Potter – J.K. Rowling


C‘était les vacances de février (impossible de me souvenir si j’étais en CM1 ou en CM2 par contre…). J’étais partie au ski avec ma mère et mes frangins, comme chaque hiver, mais, malheur, j’avais oublié de prendre un livre afin d’apprécier les soirées blottie dans le canapé ou le lit superposé du studio de location. Sauvée par ma mère, qui avait apporté un livre qu’une amie lui avait prêté :
– Il parait que c’est pas mal…
Pas mal, en effet. Tellement « pas mal » que mes deux frères et moi nous le sommes prêtés à tour de rôle (un vrai supplice) tant le livre nous a tenus en haleine, tant nous avons plongé dedans, tant nous l’avons dévoré. Ainsi que ma mère, du coup. Une vraie contagion familiale…
Par la suite, je me souviens avoir lu les trois tomes suivants, qui étaient déjà sortis en poche. J’ai reçu le tome 5 pour Noel 2003 (une longue agonie d’attente…). Pareil, un livre pour quatre, on avait chacun nos marque-pages dedans! Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs mais ce fut moi la « collectionneuse » d’Harry Potter, c’est moi qui les demandais à chaque fois en cadeau.
Mille raisons font que cette saga a marqué mon adolescence, des raisons sans doute redondantes tant elles sont similaires à celles d’autres personnes. Je me suis attachée aux personnages, au fait qu’Harry pouvait être n’importe quel enfant de notre monde, ce qui m’a donné à croire que moi aussi je pouvais vivre des aventures extraordinaires. Je me suis fortement identifiée à Hermione, cette « Mademoiselle Je-sais-tout » aux cheveux très frisés, passionnée de livres, comme moi. Le monde merveilleux imaginé par Rowling m’a semblé crédible, fascinant, passionnant, et en grandissant, j’ai adoré l’analyser, y lire des messages politiques, des interprétations cachées. J’ai eu envie de devenir une sorcière de Poudlard, d’avoir mon animal magique et de suivre des cours de sortilèges et de Défense contre les forces du Mal. Sans compter que je suis tombée amoureuse de Ron T_T Bien sûr, par la suite, il y a eut les films, qui ont contribués à développer cette mythologie et à cette histoire d’amour étalée sur plusieurs années, mais les livres ont compté avant tout.

A la croisée des mondes – Philipp Pulman

Celui-ci fut un cadeau d’une de mes amies pour mes 10 ans. Là encore, le bouche à oreille avait bien bossé puisqu’on avait dit à sa mère que le livre était cool, et elle avait flashé sur le léopard de la couverture. Le… Léopard? Ah oui, pas de bol : elle avait pris le tome 2! Ma mère eut pitié de moi et m’acheta le tome 1, que j’ai dévoré en un rien de temps. Par la suite, ma meilleure amie et moi avons développé un délire assez énorme autour de l’existence des daemons, et on s’est inventé tout un monde parallèle dans lequel nous avions nous aussi des daemons… Ce jeu nous a suivi un certain temps, ce qui fait que jusqu’en 5e, j’étais considérée comme assez immature comparée à mes camarades. Mais je le vivais assez bien.
Au delà de ça, il m’a fallu un peu plus de temps pour comprendre l’aspect politique du bouquin, surtout le tome 3, que j’avais à l’époque trouvé très chiant à lire et que j’ai davantage compris en le relisant quelques années plus tard, au lycée, ce qui m’a permis de comprendre à quel point le livre était complexe et pertinent. Je viens il y a peu de finir le premier tome de la nouvelle trilogie de Pullman, La Belle Sauvage, ce qui m’a donné l’agréable sensation de retrouver de vieux amis tout en savourant pleinement cette fois les multiples sens de l’ouvrage.

Le Livre des Etoiles – Eric L’Homme

Celui-ci fut (exception) un cadeau reçu par mon frère a un anniversaire par l’un de ses amis (on avait décidément des potes plutôt doués pour choisir les livres). Presque ex-aequo avec « La Quête d’Ewilan », mais je dois avouer que j’ai été autrement plus marquée par cette trilogie car c’est un amour que j’ai partagé avec mon petit frère, nous en étions fan tous les deux. Tellement fan que l’on se refaisait l’histoire en mode jeux de rôle et tout le bazar. Cette histoire me fascinait tellement que je l’imaginais vraie, et je m’étais persuadée que le Pays d’Ys existait vraiment, d’ailleurs j’étais amoureuse de Romaric et je comptais bien le rencontrer en vrai, ma gueule (mais c’est pas pour ça que je suis venue vivre en Bretagne par la suite, promis). Mon frère était amoureux d’Ambre, lui, du coup c’était bien pratique, lui pouvait incarner Guillemot et moi Coralie. Que voulez-vous, les choses sont très binaires quand on a 10 ans. Certes, avec du recul, je suis totalement consciente que cette série est vraiment trop hétéro-centrée et que c’est un peu abusé qu’ils finissent tous maqués les uns avec les autres à la fin mais bon, je l’aime quand même d’amour, je n’y peux rien.
Cela dit, la magie inventée par L’Homme me semblait très logique et bien plus crédible que celle d’Harry Potter (chacun son truc, que voulez-vous).
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Mon idée du Pays d’Ys.

Quatre filles et un jean – Ann Brashares

Encore une saga dont je vous ai déjà parlé sur ce blog, et ce n’est pas pour rien, mais Quatre filles… a marqué mon adolescence. Encore un livre offert par une amie pour mon anniversaire, que j’avais passé à l’hopital à cause d’une crise de migraines très violente. A mon retour, elle m’avait laissé ce livre. Je me souviens l’avoir dévoré en entier le soir même. J’avais été marquée par le fait que l’une des héroines porte le même prénom que moi (oui, à 12 ans, on a besoin de ce genre de repères égocentriques… ).
Comme pour Harry Potter, le fait que la saga se soit déroulée sur plusieurs volumes, et donc plusieurs années a pu accentuer l’attachement que j’avais pour les personnages et leur développement. Je les ai longtemps comparées à certaines de mes amies, et encore aujourd’hui, quand je relis les tomes, c’est leur visages qui m’apparaissent.
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Oui, cette couverture super cheum est probablement sortie tout droit du 5e cercle de l’Enfer.

Tara Duncan – Sophie Audouin-Mamikonian

Okay, nous arrivons sur un terrain pentu. J’ai découvert Tara Duncan au CDI lorsque j’étais en 4e. Le livre était présenté dans les nouveautés. Je me souviens avoir trouvé la couverture étrange, mais le résumé m’avait tenté. Bien m’en a pris : je l’ai lu le soir-même et je crois avoir éteint la lumière vers 3h du matin parce qu’il FALLAIT que je le finisse. J’ai beaucoup ri, et c’est devenu mon nouveau livre préféré. Voilà pour les présentations.
Par la suite, comme c’est une saga, j’ai attendu chaque année la sortie officielle du nouveau tome, et j’ai eu l’occasion de rencontrer l’auteure à un salon du livre (et Pierre Bottero le même jour!), ce qui m’avait pas mal émue. Au lycée, j’ai commencé à fréquenter le « monde taraddict » (les autres fans, comme moi) sur internet, mais il a fallu attendre les études supérieures pour les rencontrer IRL. C’est un bouquin qui a donc marqué mon adolescence pendant des années parce que je le lisais et que j’adorais, mais qui a aussi été la source de profondes amitiés. Les taraddicts que j’ai rencontré sur internet, puis en séances de dédicaces de l’auteure à Paris sont devenus certains de mes meilleurs amis, voire plus encore puisque certain-e-s sont également des camarades de lutte politique…

Le vent de feu – William Nicholson

Cet espèce d’OVNI littéraire est arrivé entre mes mains le jour de mon anniversaire (encore!), je devais être en 6e. Un cadeau de ma mère cette fois! J’ai tout de suite plongé dans cet univers complètement barré, dystopique avant l’heure, et sacrément politique avec du recul. Je n’ai jamais rencontré d’autre personne ayant lu cette trilogie, mais moi elle m’a complètement claquée et je l’ai relue un nombre incalculable de fois. En grandissant, j’ai de mieux en mieux saisi la portée politique de l’oeuvre, une sorte de fable émancipatrice prônant l’abolition de tout ordre hiérarchique et autoritariste (tiens tiens…), pas forcément facile d’accès de prime abord tant l’univers est complexe. Ma référence en la matière pendant un bon paquet d’années, et sans doute le premier roman dystopique que j’ai lu.

Marche ou crève – Stephen King

On arrive maintenant au lycée. Il m’a été très difficile de sélectionner un Stephen King, qui est mon auteur préféré depuis cette époque. Beaucoup de ses bouquins m’ont marquée, comme Salem, qui fut le premier que j’ai lu (en 3e), ou Shining et La ligne verte, qui m’ont foutu une sacrée claque à l’époque. J’ai choisi Marche ou crève car c’est le premier bouquin qui m’ait provoqué une angoisse pas possible alors qu’il n’était pas un livre d’horreur à proprement parler. Toute l’intrigue repose sur l’évolution psychologique des personnages, ou comment on peut être parfaitement conditionné à choisir de participer à une course où l’issue est la mort ou la folie. J’ai été bouleversée par les personnages, le schéma de l’histoire, le fonctionnement psychique du héros, et cela m’a fait beaucoup réfléchir sur les lavages de cerveaux et les influences sociales. C’est sans doute un des livres qui m’a aidé à prendre conscience que je ne voulais pas faire partie d’un groupe trop puissant socialement, que je voulais continuer à me méfier des emprises de groupe, que je n’ai jamais voulu rejoindre des groupes (militants ou non) trop identifiés politiquement et que je continue encore aujourd’hui à cogiter au maximum sur tout ce que je lis, écoute, discute.

L’Attrape-Coeur – J.D. Salinger

Les filles c’est comme ça, même si elles sont plutôt moches, même si elles sont plutôt connes, chaque fois qu’elles font quelque chose de chouette on tombe à moitié amoureux d’elles et alors on sait plus où on est. Les filles. Bordel. Elles peuvent vous rendre dingue. Comme rien. Vraiment.

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Le bouquin qui a bien vécu sa vie de bouquin.
Encore un cadeau! Ce livre m’a été offert par mon grand frère Jean-Christophe le Noel de mes 17 ans. Il m’avait dit : « Ce livre était un de mes préférés quand j’avais ton âge… ». Sacrément bien ciblé. Je suis tombée à moitié amoureuse d’Holden et en même temps je l’ai à moitié détesté tant il me semblait con, mais si fascinant, aussi perdu que moi, ce qui était sans doute la raison pour laquelle il m’a plu. Il y a un coté très nihiliste dans ce livre qui collait parfaitement à mes angoisses et mes troubles adolescents, et j’ai aimé le style brut et agressif de Salinger, à une époque où tous les romans pour ados étaient trop puritains dans le genre, manquaient de réalisme, d’hormones, de violence, de brutalité, d’émotions, alors que j’étais traversée de toute part par toute ce bouillonnement. Et j’ai retrouvé cela dans ce livre, et ça m’a fait du bien. Je me suis sentie moins seule, moins incomprise, par un personnage, ou un auteur au moins. J’ai lu ce livre un nombre incalculable de fois.

Purity – Jonathan Franzen

J‘ai téléchargé Purity en ebook l’année de sa sortie après en avoir lu un article élogieux sur Télérama (j’assume complètement d’être un cliché d’intello). La critique m’a tentée, mais il m’a suffit de lire la première ligne du résumé pour être convaincue que je DEVAIS lire ce livre : « Purity, alias Pip, est une jeune américaine qui vit dans un squat à Oakland, en Californie ». Par le plus grand des hasard, le jour où j’ai lu cette critique, j’étais en train de préparer mon voyage d’un an pour ladite Oakland et ça me demandait une certaine préparation psychologique car j’allais être séparée de mon copain pour cette durée. J’étais également sujette depuis des mois au syndrome de la page blanche et complètement embourbée dans un roman qui n’avançait pas. C’était donc le moment idéal, me semblait-il, pour me plonger dans ce pavé de plus de 800 pages d’un auteur dont je n’avais jamais entendu parler.
Vous vous doutez de la suite : j’ai plongé la tête la première dans le roman, ai été happée par l’histoire complexe et enchevêtrée dans le temps, l’espace et les personnages et n’en suis ressortie que deux jours plus tard, complètement sonnée et encore un peu perdue par rapport à la réalité véritable. Suite à cette lecture, j’ai repris mon roman, effacé les trois quarts de ce que j’avais écrit et tout repris de zéro, ou presque. Un mois plus tard, je décollais pour San Francisco et il ne me restait plus qu’une cinquantaine de pages à écrire. Autant vous dire que Purity, en plus d’avoir été un coup de foudre littéraire énorme (j’ai par la suite dévoré deux autres pavés de Franzen) m’a aidé à surmonter ce blocage d’écriture, même si mon roman n’a strictement aucun rapport avec la choucroute. C’est comme ça, c’est la magie de Purity.

La Zone du Dehors – Alain Damasio

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Allez, on finit avec un dernier cadeau! Encore de mon grand frère (décidément, il connait bien sa cible) pour mes 28 ans, l’été dernier. Voici le résumé qu’il m’en a fait : « C’est un livre génial qui se passe dans une société futuriste où se déroule un combat entre les anarchistes et la démocratie. » Ok j’en suis.
Je crois que je l’ai lu au bon moment, ce moment de ma vie où tout allait trop vite et que je ne controlais plus rien ; et la Zone du Dehors, c’est un bouquin où les protagonistes veulent abolir le contrôle justement, où la liberté se doit de devenir absolue. L’intrigue et le style sont complexe mais bien, très bien écrits. C’est le bouquin le plus révolutionnaire que j’ai pu lire, et rien que pour cela, il vaut son pesant d’or. Ca restera pour longtemps ma référence en terme de science-fiction politique.

Voilà, camarade livrophile, c’est tout pour aujourd’hui, mais sache qu’il ne s’agit que d’une sélection, bien d’autres romans et essais ont marqué mon existence centenaire (non). Ca te donne cela dit une idée du personnage que tu suis avec assiduité sur ce blog.

Tournent les violons…

Je tombe amoureuse comme on tombe du lit, quand on est gosse. Souvent et violemment.
Il suffit d’un pas grand chose, d’un regard, d’une mèche de cheveux, d’un rire, même d’une odeur. D’ailleurs, je tombe même amoureuse d’un moment. Tu sais tu sens comme une électricité pile à ce moment parfait, alors tu t’arrêtes de respirer et c’est plié. Je me rend compte que j’aime beaucoup trop de monde et qu’après je suis foutue, j’ai trop peur de les perdre et de perdre nos moments.
Je tombe amoureuse des moments, et je supporte pas l’idée de ne plus jamais les vivre.
Je me souviens des heures passées au téléphone à raconter n’importe quoi, j’avais 17 ans, ou peut-être 26 ou 28.
Je me souviens des nuits sans dormir, à parler aussi, ou à s’écouter respirer, à faire semblant de croire qu’il dormais alors qu’on savait très bien que c’était des conneries.
Je me souviens de l’angoisse de pas savoir quand j’allais le revoir, et de compter le temps qu’il nous restait ensemble avant que je reparte. Lui dire, et l’entendre répondre « mais profite du temps présent », alors que je savais clairement pas faire ça.
Je me souviens de me concentrer très fort pendant tout le moment où on faisait l’amour, à me dire « n’oublie pas ça, et ça, et ça. » Et y repenser le lendemain, fantasmer et ne plus déjà savoir ce qui était vraiment arrivé de ce que j’idéalisais.
Je me souviens des odeurs, ou des absences d’odeur. De rentrer chez moi et d’avoir l’impression de ne plus être moi-même, d’avoir changé de peau, de cheveux, de corps.
Je me souviens des sensations des lèvres sur les miennes, toutes celles que j’ai embrassées. Je me souviens d’absolument toutes, et de chaque premier baiser, et d’à chaque fois être surprise parce que c’est jamais pareil.
Je me souviens du coeur en vrac, quand je l’ai vu arriver. J’avais les pieds dans l’eau, et il n’y avait même pas de soleil. Ce moment où j’ai su que j’étais amoureuse.
Tu t’en rappelles, quand tu l’as su?
Je l’ai tellement refoulé, avant, quand ça arrivait, j’avais tellement honte de ressentir tout ça alors que j’en avais pas besoin. Alors j’ai nié, j’ai fait semblant, je me suis dit que j’étais folle. Alors j’ai oublié toutes les fois où j’ai su que j’étais amoureuse.
Mais pas cette fois là.
J’étais amoureuse de ce moment parfait. Il sera toujours parfait dans ma tête, même dans dix ans, même dans cinquante ans, même dans mille autres moments parfaits. Parce que ce basculement, cet instant de bouleversement émotionnel qui te donne l’impression que tu as le monde à tes pieds, qu’il n’y a plus que vous sur terre, c’est un des plus chouettes moments qu’il soit.
Je veux tomber amoureuse encore et encore.

Je suis amoureuse de l’amour.

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Le problème, c’est que je suis aussi complètement attachée aux moments. Je n’arrive pas à accepter l’idée qu’ils sont terminés, même lorsque je ne suis plus amoureuse. Je n’arrive pas à faire le deuil des moments, à me dire que j’ai des souvenirs en commun avec des personnes mais ne plus avoir de nouvelles d’eux. Je n’arrive pas à supporter les séparations brutales, les ruptures, les adieux, et surtout les fins, de manière générale. Et je n’arrive pas à être rancunière. Une personne peut me blesser très fortement, je vais lui en vouloir quelques temps et puis iel va me manquer, je vais finir par me dire qu’on perd du temps à ne plus se parler, et je vais finir par passer l’éponge. C’est presque pathétique, je pense encore à des gens qui m’ont brisé le coeur même sans le faire exprès, juste en coupant les ponts ou en me disant qu’on avait plus grand chose à se dire alors que moi oui, j’avais encore des choses à vivre avec eux. D’après moi. Je crois que je préfère les ruptures douces et tranquilles, quand on s’éloigne petit à petit parce qu’on habite pas à coté et qu’on ne vit plus les mêmes choses. Et du coup je ne peux pas m’empêcher de redouter ce moment où le-a meilleur-e de mes ami-e-s m’annonce qu’en fait iel ne m’aime pas, ne m’aime plus, me trouve plutôt chiante, s’est rendu compte que je n’étais pas si intéressante que ça. Pourtant, je n’ai pas envie d’arrêter de tomber amoureuse, de tomber amireuse (oui je viens de l’inventer), de m’attacher aux gens.

Parce que c’est trop bon.

TAG – Unpopular Opinion Book

Bonjour, jeune aventurier.

Cela fait un petit moment que je n’ai pas parlé de livres par ici. Figure toi qu’il me reste huit livres à lire sur mon 52 reading challenge, et que je coince. Donc voici pourquoi tu n’en entends plus parler (aussi parce que je n’ai toujours pas terminer mes critiques de livres terminés, pardon…).

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Aujourd’hui, un TAG que j’ai vu passer sur le très chouette blog de lecture Les mots d’Arva. Va donc y faire un tour, camarade!

1) Un livre/une série populaire que tu n’as pas aimé.

Le problème de cette question c’est qu’en général, quand un truc ne me plait pas du tout, je ne le finis même pas. J’ai pas de temps à perdre avec de la lecture qui m’ennuie.

Je mentirais si je disais Twiligth, car lorsque j’ai lu le premier tome au lycée, j’ai bien aimé (mais au fil des tomes j’ai déchanté). Par contre, zéro problème à dire que j’ai détesté 50 Shades. Je pense qu’on peut la considérer comme populaire, même si elle ne fait pas l’unanimité.

Mais sinon, un livre que tout le monde a l’air de trouver génial et qui pour moi a été la plus grosse bouse lue depuis bien longtemps, c’est « Mémé dans les orties ». Pourquoi ce livre est-il aussi populaire? a mes yeux, c’est juste un ramassis de cliché inintéressant 😦 je ne comprends vraiment pas!

deso pas deso


2) Un livre/une série que tout le monde a l’air de ne pas aimer sauf toi.

Ah, je suis méga fan de la trilogie « Le Vent de Feu », que j’ai dévoré au collège. Mais soit personne ne connait, soit les gens qui connaissent n’ont pas aimé. Tristesse infinie. Je reste seule avec mon amour pour ce livre si beau ❤

pleurs


3) Un triangle amoureux où le personnage principal n’a pas fini avec celui que tu voulais/un couple que tu n’aimes pas.

Dans Délirium, j’ai été tellement déçue que j’ai refusé la fin du livre et fait ma propre fin alternative dans ma tête.

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4) Un genre littéraire que tu ne lis que très peu.

La Fantasy. J’ai vraiment pas lu grand chose à part « Le seigneur des anneaux » et quelques rares exceptions (genre Eragon), parce que j’arrive pas du tout à rentrer dedans. Ca m’ennuie.


5) Un personnage aimé de tous que tu n’aimes pas.

Je n’aime pas Rogue, et je ne comprends pas qu’il puisse avoir autant de fan. Il en va de même pour Malefoy d’ailleurs. Ce sont juste deux gros connards, désolée.

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6) Un auteur populaire que tu as du mal à lire.

Marc Lévy. Il n’y en a qu’un seul que j’ai trouvé vraiment intéressant.

Amélie Nothomb, j’ai beaucoup de mal à accrocher.


7) Une trame que tu es fatigué.e de voir partout.

Les absences de communication entre les gens, qui entrainent des quiproquos tout nuls qui font que les amoureux finissent par se séparer pour finalement se remettre ensemble. C’est quasi systématique dans les romances, et ça me gave particulièrement. et puis on sait. ON SAIT qu’ils vont se remettre ensemble. RAH. Ca suffit! Arrêtez!

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8) Une série populaire qui ne t’intéresse pas.

Miss Pereguine et les enfants particuliers (promis j’ai essayé…), et toutes les séries fantasy jeunesse.


9) Selon l’expression, “le livre est mieux que le film” ; mais quelle adaptation as-tu préférée au livre ?

Les liaisons dangereuses, mais je crois que c’est parce que la forme épistolaire du bouquin m’a vraiment posé problème.

Cloud Atlas, mais c’est un peu injuste parce que j’ai vu d’abord le film et que je l’ai trouvé ouf, du coup le livre m’a semblé presque fade (alors qu’il est quand même génial).

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10) Quelle est selon toi la meilleure adaptation cinématographique ?

Trainspotting, qui est vraiment exceptionnel à mon sens. Je serais incapable de dire si je préfère le livre ou le film.

Et Roméo + Juliette est beaucoup plus cool que l’original… Déso Shakespeare.

 

Voilà mon canard, c’est tout pour aujourd’hui! T’as le droit, bien évidemment, d’être en parfait désaccord sur tous les points avec moi, je ne t’en tiendrais pas rigueur!

 

The meta thing.

Je ne devrais pas trop tarder. Je suis là, assise sur cette plage sans nom, petit bout de nulle part perdu quelque part en Bretagne. Je ne saurais pas dire où je suis exactement. Autour de moi, du sable à perte de vue, et personne à part cette fille aux cheveux blonds décolorés qui regarde l’horizon. Je me demande pourquoi on fait toujours ça, perdre son regard dans l’horizon, alors que l’horizon n’est qu’un concept après tout. Un truc inaccessible ; tu as déjà essayé d’aller toucher l’horizon?

La mer est calme, tranquille. Pas un souffle de vent, pas un nuage, et les rayons du soleil de cette fin de journée semblent presque danser sur l’eau. J’y ai mis les pieds, un peu plus tôt, et cela a suffit à me convaincre que je n’en mettrai pas plus. Je ne sais pas pourquoi la mer me semble toujours glacée comme si elle n’était que la fonte d’un énorme iceberg qui n’en finirait pas.

J’avais apporté un livre, mais je ne l’ai pas ouvert. Pourtant, il n’y a rien que j’aime plus au monde que de passer une après-midi entière à lire allongée sur la plage, surtout quand la dite plage est vide. Et quand le livre a été écrit par Stephen King. Je ne l’ai pas ouvert, non pas que l’envie m’en manquait, mais parce que je n’en n’ai pas eu le temps. J’ai étendu ma serviette, ôté ma robe, révélant mon maillot de bain noir, et j’ai entreprit de mettre un peu de crème solaire sur mes tatouages. On était fin aout, mais je savais que le soleil et ma peau s’en foutaient bien, et je ne prenais jamais de risque avec mes tatouages. J’avais tout préparé : une playlist de l’enfer sur mon portable, avec Fauve, Green Day, The Clash et les Smiths. Je sais bien que j’ai du mal à grandir, et ma musique en est la preuve. J’écoute toujours les mêmes trucs depuis 10 ans, des trucs qui me rendent un peu nostalgique et un peu triste parfois, super heureuse souvent. J’adore mettre ça à fond quand je conduis et chanter à tue-tête ; j’ai l’impression d’avoir 16 ans. D’ailleurs, je dois les avoir encore, si tu veux mon avis. Grandit-on jamais vraiment? Je me le demande. J’étais donc là, avec ma crème solaire, ma musique et mon Stephen King, et c’est à ce moment-là qu’elle est arrivée.

– Stephen King, mmh ? C’est bizarre, moi aussi j’adore Stephen King. Vraiment très bizarre.

Je tournais la tête et je vis cette fille assise à coté de moi, comme si elle était apparue par enchantement. Je ne l’avais ni entendue arriver, ni vue s’asseoir. Pourtant, il n’y avait pas un bruit sur cette plage et je n’avais pas encore lancé la musique.

– Euh… Bonjour?

– Laisse-moi deviner… Tu dois écouter Rammstein. Ou The Clash. Oui, ça doit être The Clash, aucun doute.

– C’est Fauve, ai-je répondu en fronçant les sourcils.

– Ah! J’aurais dû y penser.

– On se connait?

Son visage m’était vaguement familier, comme si je l’avais connue à un moment de ma vie, il y a longtemps. Pourtant, je suis très physionomiste, et j’en étais d’autant plus troublée. Ses cheveux raides et blonds étaient mi-longs, très fins. Ils lui encadraient joliment le visage, qu’elle avait très fin également, un vrai visage de poupée. Sa bouche était bien dessinée, son nez droit et lorsqu’elle souriait, une unique fossette venait éclairer son sourire.

Une fossette, oui, comme Lily. Ou comme…

Hein?

Elle me lança un regard en coin, un peu malicieux.

– Alors, tu me remets?

– Tu ressembles beaucoup à l’héroïne de mon roman…

– Héroïne? Quel bien grand mot. Je ne vois pas pourquoi tu t’obstines à me présenter comme telle. Je n’ai pour ainsi dire pratiquement rien fait pendant la moitié de l’histoire.

J’avais envie de rire tant la situation était absurde. Venais-je de plonger dans un Stephen King? Ou dans cet épisode génial de Supernatural ou Métatron prend la direction de l’histoire? Le méta-truc? Ca n’avait pas de sens.

– Passons le moment où tu me dis que tu n’y crois pas, que quelqu’un te fait une blague et blablabla. De toute façon, à l’heure actuelle, tu es aussi en train d’écrire ça. Je parle à toi, dans ta tête et dans cette histoire. Tu es en train de l’écrire au moment où je parle. Tu mets des mots sur mes mots.

Ok, ça devenait flippant.

– Qu’est ce que tu fais là, du coup? ai-je demandé, décidant d’accepter l’absurde de la situation.

Après tout, le fait qu’il n’y ait pas un pète de vent sur cette plage aurait du me mettre sur la voie. Il y a toujours du vent ici.

– Je suis venue te tenir compagnie. J’ai l’impression que t’as besoin de parler.

– Ah bon, vraiment?

Elle me lança un regard de travers du style : « eh, oh, pas à moi, d’accord? »

– Très bien.

Je refermais complètement mon livre, ôtais mes écouteurs de mes oreilles et les rangeais soigneusement dans mon sac.

– Et mets-moi ce téléphone sur silencieux. Personne ne t’écrira aujourd’hui, de toute façon.

Je levais les yeux au ciel en soufflant, mais m’exécutais.

– C’est marrant, tu ne m’as pas rendue accro aux sms comme tu l’es. Tu n’as créé aucun de nous à fond sur son téléphone, en fait.

– A part Juliette…

– Ah ouais, Jul. Mais pas à ton point, quand même.

– Eh, oh, ça va!

– Je te juge pas, je te juge pas!

Encore heureux, ça serait le comble! Est-ce que je l’ai jugée moi, lorsqu’elle a fait certains choix?

Même si bon, techniquement, c’est moi qui les lui ai fait faire.

Elle me jeta un regard en coin.

– Tu viens souvent sur la plage toute seule?

– Non, c’est plutôt rare. Ça m’angoisse un peu d’être seule.

– Ah ouais? C’est étrange, moi j’aime bien.

– Je sais.

– Pourquoi tu n’as pas fait en sorte que je déteste ça, comme toi ?

– Tu n’es pas un copié collé de moi… Je m’inspire de ce que j’aime, de ce qui m’intéresse, de ce qui m’intrigue, de ce que je voudrais être ou ne surtout pas être pour vous créer. Genre, la musique qu’écoute Antoine, moi, je ne l’aime pas du tout.

– Ah ouais? Marrant.

– Je t’ai fait réservée. Je ne le suis pas.

– Tu as créé Mallory taré.

– Parce que je le suis tout autant. J’essaie de me gérer à travers lui.

– Ca marche?

– Pas vraiment.

Elle resta pensive quelques instants. Comment pouvait-elle être devenue cette belle personne plutôt sure d’elle, tranquille, bien dans ses pompes? J’avais du mal à croire que ça puisse être grace à ce que je lui avais fait vivre. Mais peut-être que si, après tout. Iels avaient tou-t-es tellement grandi.

Et moi, avais-je grandi?

Elle reprit la parole :

– T’aimes pas être seule mais tu adores conduire seule. Tu adores lire ; faut être seule pour lire. Tu écris tout le temps, aussi.

– Certes… Et tout ce temps, je le passe à m’inventer des histoires. Lire, c’est juste une excuse pour avoir l’histoire toute faite par quelqu’un d’autre, mais le film est quand même dans ma tête.

Je me suis toujours demandé comment pouvait bien être l’esprit et la vie des gens qui n’aiment pas lire. Ça a toujours été un mystère incroyable pour moi ; on ne peut décemment pas ne pas aimer vivre une histoire fabuleuse hors du monde réel, ce que nous offre à l’infini la lecture et l’écriture. Du coup, c’était forcément une histoire de cerveau. Mais je n’avais jamais réussi à visualiser le truc.

– Le monde réel est-il si dénué d’intérêt que tu aies à ce point besoin de t’en extraire ? Me demanda-t-elle alors tout de go.

Oh, comme je hais cette question.

– Le monde réel est génial, lorsqu’il est partagé avec de chouettes personnes. Et quand il te fait ressentir des trucs incroyables. Y’a rien de tel que vivre à fond ses émotions, et parfois y’a que les romans pour m’offrir ça.

– Pauvre Emma qui s’ennuie. Pauvre Emma qui a besoin de ressentir à fond tout le temps.

– Pas de sarcasme avec moi, Charlie.

– Mais enfin, on a tous besoin de décrocher parfois!

– Mon cerveau bouillonne tout le temps, de toute façon. Il faut que je le stimule sans arrêt, sinon il se met à penser à des trucs angoissants qui m’empêchent de dormir, de me concentrer et de vivre correctement.

Elle fronça les sourcils:

– Là, je comprends plus rien.

– Mes pensées sont là, quoi qu’il arrive. Du coup, si je m’évade, je peux leur donner un sens et les empêcher de prendre le contrôle de ma vie. De devenir envahissantes, si tu préfères.

– T’es folle.

– Autant que Mallory, ouais.

Elle se tut et nous gardâmes le silence quelques instants. J’en profitai pour prendre du sable dans ma main droite et le laisser glisser doucement sur mes jambes. Ca faisait comme la caresse soyeuse d’un chat, j’aimais bien.

– Et l’amour alors? Me demanda Charlie. Pourquoi m’as-tu rendue aussi nulle avec l’amour?

– On est tous nuls avec l’amour. J’ai passé mes trois années de lycée à essayer de comprendre ce que c’était que de tomber amoureux, pourquoi ça m’arrivait tous les six mois et pourquoi je ne pouvais pas passer plus de deux jours sans être amoureuse.

– Et alors?

– Et alors ça fait dix ans que je croyais avoir résolu la question, et voilà que toutes mes belles certitudes s’effondrent et que je dois recommencer à zéro. J’ai eu des raisonnements cartésiens, du genre « c’est une question d’hormones, de moment, de personne, c’est simplement la somme de l’instant T, de la personne A + B, du savant mélange entre le désir, le bien-être, l’attachement et l’obsession… Et d’autres trucs chimiques du cerveau. » Mais au final, tout ça me semble encore trop réducteur et n’explique pas tout.

– Mais si deux personnes s’aiment, ça suffit non?

– Pour la majorité des gens, ouais, j’imagine que ça suffit. Et ensuite, faut gérer la jalousie, le besoin de liberté, la libido ou l’absence de libido, le besoin de voir l’autre, le manque, les obsessions, les fantasmes, et vivre ensemble avec tout ce bordel. Mais ça, c’est en théorie.

– Comment ça?

– On m’a longtemps dit qu’être bien avec quelqu’un devait suffire, qu’on ne peut aimer qu’une personne à la fois, et que même si c’est normal parfois d’avoir des coups de coeur ou du désir, si tu commences à aimer quelqu’un d’autre, c’est qu’au final, ça va pas dans ton couple.

– Et c’est pas le cas?

– Je croyais, moi. Quand j’étais avec Timothée, je suis tombée amoureuse de quelqu’un d’autre et ça m’a fait douter du reste pendant les trois années qui ont suivi. J’ai pas arrêté de me mentir à moi-même sur ce que je ressentais, parce que ça voulait forcément dire que du coup, j’aimais plus Timothée alors que si, à ce moment-là, si.

– Je crois que j’ai jamais cessé d’aimer Antoine. Mais pas comme Mallory.

– Je comprends, et je confirme. Même si j’ai clairement cessé d’aimer des gens, y’en a certains que j’aimerai probablement toujours.

– Mais c’est pas le même amour, alors, lorsque tu aimes deux personnes?

– Ca l’est, et en même temps, ça l’est pas. Je veux dire, l’émotion, au fond, c’est la même. Les papillons, le désir, tout ça. Tu vois ce que je veux dire? Mais la projection, l’affection, le bien-être, c’est pas du tout les mêmes. Y’a l’amour coup de foudre, et y’a l’amour construit. Enfin, c’est ma théorie actuelle. De toute façon, l’amour, comme tout le reste, c’est un spectre et il a autant de développement possibles que de personnes qui le ressentent.

– Juliette dit que c’est le meilleur et le pire des sentiments

– Elle a raison. En même temps, c’est moi qui le lui ai fait dire. C’est le meilleur parce que bon dieu, que c’est kiffant d’aimer et d’être aimé. Ca te fait vivre à mille à l’heure, ça te donne envie de faire n’importe quoi, de te laisser entrainer par les sensations, c’est comme un énorme trip sous acide (enfin j’imagine que ça doit ressembler à ça). C’est le pire parce qu’il peut te mettre plus bas que terre dès lors que tu te sens délaissée, mal aimée, pas aimée, oubliée. Que t’as l’impression d’être la pire personne, de ne pas aimer comme il faut, de mal le montrer ou de trop le montrer. Que t’arrives pas à te mettre sur la même longueur d’ondes que l’autre.

– Mais quand tu l’es…

– Ah ben quand tu l’es, c’est le pied absolu. L’orgasme ultime. Le truc le plus fou du monde.

– Tu l’es, toi, sur la même longueur d’ondes?

– Ca dépend de qui et ça dépend des moments. En ce moment, c’est vraiment difficile. Je me sens soit trop aimée soit pas assez. Et je sais plus comment le dire ni le montrer. Et j’ai peur d’être trop envahissante. D’envahir l’un ou l’autre avec mes angoisses.

– Tu crois qu’on peut envahir quelqu’un d’angoisses?

– Ouais, c’est sur. Le besoin d’attention et d’être rassuré, c’est vraiment la pire chose du monde. D’un coté, c’est moi qui suis dans cette demande, qui me sens en insécurité émotionnelle. De l’autre, c’est moi qui doit le rassurer et être cette boule d’amour protectrice constante.

– Quel bordel.

Cette fois, c’est moi qui restai silencieuse. Mes pensées commençaient à se laisser aller, à vouloir avoir plus d’autonomie et à se faire la malle. J’avais décidé d’arrêter de vouloir définir ce que j’étais. Bisexuelle, polyamoureuse, demisexuelle apparemment, et quoi d’autre? C’est pas parce que l’oxygène était plus important que je ne pouvais pas pour autant vivre sans amour. Et même lorsque je l’avais, l’amour, je tombais encore amoureuse.

Quel bordel, oui, c’était le mot. Mais c’était bien trop bon pour rester raisonnable.

 


Léna MF – aout 2018.